* 5 façons d'aider les proches à communiquer
avec la personne aphasique*
Eh oui la personne aphasique n'est pas la seule à être en difficultés pour communiquer... Ses interlocuteurs sont également confrontés à des difficultés de communication : comment comprendre la personne aphasique et comment se faire comprendre par la personne aphasique.
L'on peut alors parler de handicap partagé entre la personne aphasique qui présente un trouble du langage et ses interlocuteurs du quotidien (la plupart du temps ses proches) qui ne savent plus comment communiquer avec elle.
La communication dyadique (entre conjoint-conjointe, parent-enfant...) est perturbée et peut devenir malaisante pour l'un comme pour l'autre. Des maladresses peuvent parfois être commises d'un côté comme de l'autre : qui n'a jamais entendu, dans son bureau ou dans la salle d'attente, un patient aphasique s'adresser à son proche sur un ton "inapproprié" ou avec un discours direct sans "mettre les formes" ? Ou bien un proche qui parle à la place du patient ou s'adresse à lui en parlant très fort comme s'il était sourd ?
En tant qu'orthophoniste, nous observons ce genre de situations et les répercussions néfastes qu'elles peuvent avoir sur la personne aphasique et ses proches. Mais alors que peut-on faire à notre niveau ?
Je vous propose 5 façons d'aider un proche à communiquer avec la personne aphasique.
1) Expliquer les troubles phasiques
Qu'on soit à l'hôpital, en centre de rééducation ou en libéral, prendre le temps de recevoir les aidants et de leur expliquer les troubles phasiques n'est jamais une perte de temps ! On part parfois du principe qu'on a sûrement dû leur expliquer auparavant mais en fait ce n'est pas toujours le cas ou alors ils n'étaient pas forcément réceptifs à ce moment-là. Prendre ce temps pour leur expliquer les difficultés de communication liées à la maladie permet de mettre en mots les maux. Il faut alors s'adapter aux personnes que l'on a en face de soi, prendre en compte leur niveau socio-culturel, leur état émotionnel, leur personnalité ; il y a différents moments et différentes façons de le faire.
Il me paraît important de se préparer a minima (les premières fois en tout cas) avant de donner ces explications aux aidants afin d'être à l'aise et clair. C'est d'ailleurs un bon exercice à proposer aux stagiaires pour une mise en pratique avec l'orthophoniste d'abord puis pourquoi pas avec une famille ensuite.
Des supports existent pour vous aider à expliquer ces troubles, ils sont disponibles gratuitement et je vous mets le lien de téléchargement juste ici.
Libre à vous également d'en créer en fonction du profil de votre patient.
L'idée est de laisser une trace écrite en plus des explications orales afin de permettre aux aidants d'avoir un document auquel se référer ou tout simplement une base pour poser des questions complémentaires. Cela aide les proches et les patients mais permet aussi de favoriser la communication entre l'orthophoniste et les aidants. Bref c'est gagnant-gagnant !
2) Mettre en place un outil de communication
On ne pense parfois aux outils de communication seulement quand il n'y a "plus d'espoir" de récupération. Or, ces outils peuvent être utiles bien avant et ne freineront en rien la rééducation, au contraire. L'utilisation d'un outil de communication peut être temporaire. Si vous souhaitez avoir plus de détails sur ce thème, n'hésitez pas à aller lire mon article CAA Communication Alternative & Améliorée.
Un outil de communication peut être très succinct et tenir sur une page ou bien être plus complexe et adaptable. Cela peut simplement être une ardoise et un feutre, un alphabet, des photos, des pictogrammes ou une application sur tablette... Il en existe de nombreux que vous pourrez découvrir dans mon article à ce sujet avec divers liens de téléchargements d'outils gratuits.
Là encore, nous pouvons faire appel à notre créativité, à celle des aidants et des patients en élaborant ensemble un outil selon les besoins à un instant T.
Le plus important selon moi est d'accompagner la mise en place d'un outil de communication, il ne s'agit pas d'imprimer un tableau et de le donner en coup de vent aux aidants. Il faut en expliquer l'intérêt au patient et à l'aidant, le travailler d'abord en séance avec le patient, puis en séance avec le patient et l'aidant afin qu'il puisse être utilisé dans les meilleures conditions sans l'orthophoniste.
3) Faire du modeling
Le modeling consiste à proposer un modèle plus efficace afin de modifier un comportement.
Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit pour l'orthophoniste de montrer aux aidants comment elle/il communique avec le patient en mettant en avant différentes techniques ou aides qui favorisent la communication.
Il n'est pas nécessaire de verbaliser ce que l'on fait, par mimétisme les aidants vont la plupart du temps se calquer sur notre façon de nous adapter au patient. Et si cela ne fonctionne pas, dans ce cas on peut étayer davantage.
En fonction des situations, il est également possible d'intervenir et d'aider l'aidant ou le patient à ajuster son comportement face à son interlocuteur.
Pour ce faire, il est primordial d'avoir un temps lors de la séance de rééducation dédié à ce modeling avec l'aidant et le patient.
Si vous êtes familiers avec les techniques de guidance en orthophonie avec les enfants, vous pouvez tout à fait les adapter aux adultes aphasiques. Pour ma part, je recours facilement à la réactivité verbale ou aux stratégies de stimulation du langage. Si vous êtes intéressés par l'application de ces techniques aux adultes aphasiques, dites-le moi en commentaire et j'en ferai un prochain article^^
4) Proposer de la PACE...aux aidants !
La PACE c'est-à-dire Promoting Aphasia Communication Effectiveness correspond à une thérapie langagière portée sur la communication "à tout prix" quels que soient le canal, les moyens utilisés. Le patient doit parvenir à transmettre un message à son interlocuteur qui n'a pas la réponse à l'avance. Je vous renvoie à l'article de Lucie-Jardin d'Ortho pour plus d'informations concernant cette thérapie.
Dans un premier temps, je propose à l'aidant de venir en séance et d'observer son proche réalisé une tâche de PACE avec moi. Le patient est déjà familiariser avec ce type de tâche. Nous inversons les rôles pour chacun se retrouve dans la situation d'émetteur et de récepteur d'un message.
Dans un second temps, j'invite l'aidant à réaliser une tâche de PACE avec son proche. Lorsque l'aidant prend le rôle d'émetteur, je lui donne les contraintes auxquelles est confronté son proche aphasique. Par exemple, il doit faire passer un message mais sans recourir au langage oral. L'aidant se retrouve pour quelques instants dans la situation de "handicap de communication" d'une personne aphasique. Il prend alors conscience de la difficulté et de la frustration vécues par son proche. Et bien sûr nous inversons également les rôles, l'aidant devient le récepteur ; à nous orthophoniste de guider au mieux le patient pour qu'il parvienne à se faire comprendre.
5) Etre à leur écoute
Tout est dans le titre du paragraphe ! Pour aider les aidants, il faut les écouter.
Les écouter vraiment, prendre ce temps sur la séance en présentiel ou par téléphone si un déplacement n'est pas possible, accueillir leurs ressentis, leurs difficultés de communication avec leur proche au quotidien.
Les différentes aides citées précédemment nécessitent d'ailleurs une écoute active de la part de l'orthophoniste. Nous sommes parfois tellement centré.es sur la rééducation du patient que nous en oublions son environnement. Alors ouvrons nos bureaux aux aidants familiaux et pourquoi pas aux aidants professionnels (comme les auxiliaires de vie).
Soyons des vecteurs de communication et pas seulement des rééducateurs^^